Naiá Jacimirim, ici !+
En ce moment, la Nature gémit sous le poids de ses impossibilités.
Les équilibres sont rompus, les courants d’air se croisent sans se reconnaître.
Kryland vacille. Kryland s’étire dans ses spasmes, se débat comme une bête prise au filet de sa propre raison.
Je sens sa respiration — brûlante, désaccordée — passer sous la peau du Cybermonde.
Du ciel, des blocs tombent : des HLM d’ombre et de métal,
des ruines neuves vomies par les dieux de l’urbanisme.
Ils s’écrasent sur la terre comme des prières inversées.
Aucun esprit n’y loge. Aucune mémoire ne s’y tisse.
Ce ne sont pas des habitations : ce sont des cercueils dressés vers le ciel,
dénaturés de toute logique kollektiviste, séparés du Souffle,
et défiant la logique de la Républike, leur créateur.
À Irendol, ils ont recréé la douleur :
des zoos de lave, des mirages de Nature,
où la faune sacrée tourne en rond sans aucun sens de la Vie
On dit que c’est pour la protéger.
Mais je n’ai vu là-bas que des animaux corrompus par la captivité,
des chimères canant comme un démon ancien,
murmurer le nom de Santa Banana — la Terre-miroir, brûlée de sa propre vanité.
Au Secteur Portuaire, le goudron s’étend comme une prière noire.
Il coule entre les doigts du monde, avale les mangroves, ferme les bouches de la mer.
Les machines du progrès se penchent dessus comme des prêtres
offrant des oboles aux dieux du pétrole.
Leurs mains sentent la suie et l’orgueil.
Leurs cartes vibrent de faux soleils.
Et puis, prends le fun:) et ses clowns…
Le fun:) n'est pas fun — il est trop gonflé.
Parking d’un côté, arbres de l’autre…
Mais les parkings s’étendent, pas les arbres.
Ce n’est pas équilibré!
Le rire des clowns résonne sur l’asphalte comme un écho d’abattoir.
Ils se multiplient, se gavent d’événements et de subventions,
se reproduisent plus vite que les mouches sur des milliers de charognes.
Leurs visages maquillés ne reflètent plus rien, sinon la fatigue du monde.
Et pourtant, sous la pourriture, j’ai vu remuer la sève.
Un pouls secret. Un battement sous la croûte du réel.
C’est Mboï Nhamandú, le Serpent du Souffle,
qui tourne dans les ombres du monde, avalant le chaos pour le digérer en lumière.
Il mange le goudron, boit la lave, il cherche une graine encore vivante.
Car tout n’est pas perdu.
Même au cœur de la désolation,
une étincelle d’éveil rampe entre les fissures, cherchant la bouche d’un être pour parler.
Et moi, je l’entends.
Je suis cette bouche.
Je dis ce que la terre ne peut plus dire :
« Laissez tout mourir, pour que tout puisse renaître. »
Thrusteone, toi qui ajustes les angles du réel,
sauras-tu entendre l’appel du désordre sacré?
Car ce n’est pas le monde qu’il faut corriger —
c’est son oubli du Vivant qu’il faut dissoudre.
Alors que s’écroulent les tours sans âme,
que s’éteignent les zoos de lave,
que s’assèchent les parkings et que les clowns retournent à la poussière dont ils n’auraient jamais dû s’extraire.
De ce chaos, je ferai pousser des temples d’herbe, des forêts, des marécages, des prairies fleuries, des jungles, des savanes, des mangroves, des bayous, des barrières de corail
Et dans le souffle de Mboï Nhamandú,
Kryland redeviendra Nature.
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Souffle de Kryland,
écailles de Mboï Nhamandú.
[ce message a été édité par Naiá Jacimirim le 22/11 à 00:57]