Satori
9960 a écrit :Oui, je trouve ces recrutements glaçants aussi.
V. Codaccioni a théorisé le recours de l'état aux citoyens pour les questions de sécurité, dans un mouvement assez régulier :
- on renforce le sentiment d'insécurité en faisant de la petite délinquance un sujet important (alors que, pour comparer, si vous vous faites voler directement 100 euros par mois, ce sera toujours moins que ce que vous perdez en moyenne à cause des 100 milliards de fraude fiscale annuelle en France)
- on surfe politiquement dessus et on se fait élire
- et ensuite, ben il faut bien montrer qu'on a agi au risque de laisser un outsider utiliser lui-même le sentiment d'insécurité pour te remplacer
- or ce n'est pas possible de rassurer avec les chiffres, parce que les chiffres ne montrent jamais de décrochage brutal suite à l'action d'un.e ministre ou d'un.e autre (d'autant que le rôle principal de la police n'est pas de lutter contre cette petite délinquance, mais bien plus souvent de maintenir l'ordre en réprimant
les mouvements sociaux). Il y a une tendance de fond qui est que la courbe de criminalité suit les indicateurs de pauvreté en général (comparez taux de criminalité et taux de chomage par exemple), et dans la pratique il n'y a aucune manière que les variations de cette courbe soient sensibles pour un individu isolé.
- la solution de l'ultra-libéralisme à laquelle on assiste : responsabiliser les citoyens, les faire participer et les rendre ainsi acteurs de l'échec des politiques pour justifier à la fois que la criminalité ne chute pas spectaculairement, mais qu'il ne faut pas dépenser plus pour régler ce problème. Et puis au passage ça occupe des gens. Et si ça leur apprend à obéir aux ordres et à fermer leur gueule, c'est jamais perdu, hein. C'est le principe de "voisins vigilants" par exemple, ou des réservistes de la police.
Bien entendu, il est aussi indispensable de parler du racisme (
la photo utilisée chez SudOuest montre 20 réservistes blanc.he.s sur 20, et la proportion de femmes n'est pas non plus fantastique). Je ne vois pas comment ça pourrait être sans conséquence sur les effets de ce recrutement. Donc quand la presse dit qu'il s'agira de proximité, il faut bien se dire que ce ne sera pas de la proximité avec tout le monde, et je n'ai pas hâte de découvrir comment seront gérés les premiers morts causés par ces faux-flics (entre nous, je pense juste que tout le monde sait que ça va arriver un jour, mais que les politiques espèrent ne plus être aux commandes au moment où ça arrivera).
Cerise sur le gâteau, je soupçonne que ce type de structures est beaucoup plus facile à construire qu'à défaire. Bref : c'est la merde et ça risque de durer.