Vadim a écrit :Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me répondre (et salutations distinguées, au passage, ça faisait bien longtemps).
> Sur ce livre et la promotion qui en est faite, je trouve le point développé dans ce
> tweet et ceux qui le suivent assez pertinent.Oui, mais on peut le nuancer : d'un point de vue assez matérialiste, je peux accepter que le journaliste jouit d'un privilège en tant qu'homme blanc. Qu'un journaliste non-blanc n'aurait pas pu faire cette expérience. Mais si infime soit-il, qu'est-ce que le grain de sable apporté dans la machine va retirer à des personnes dominées ? Le seul aspect négatif, c'est l'exposition au discours indécent - je partage cette analyse sur ce point précis - de la violence exercée contre les corps non-blancs. Ça me semble peu cher payer si le livre réussit à renforcer la défiance envers l'insitution policière (mais je n'ignore pas que mon avis est situé, forcément).
Fassin, qui est cité dans le thread, fait une longue introduction à son ouvrage "La force de l'ordre" justement pour détailler son rapport à la police pendant la durée de son enquête. Mais lui avait la chance de pouvoir assister "de l'extérieur" aux violences policières, sans jamais devoir s'inclure dedans. Il précise être conscient de l'effet que sa présence a pu avoir sur les comportements des flics, mais précise également qu'après son travail de terrain, plus aucune autorisation de ce genre n'a été délivrée par des préfectures.
Et sur le fait qu'on n'apprendra rien de nouveau, ben... déjà, il vaudrait mieux lire le livre : il se pourrait bien qu'il y ait dedans des récits que les personnes racisées ne peuvent pas expérimenter (comme des éclairages sur les causes de la violence policière systémique ?). Si finalement le seul constat qu'on peut en tirer, c'est la réalité desdites violences, c'est effectivement plutôt pauvre, et effectivement on n'apprendra rien de nouveau. Mais il n'y avait rien non plus de très nouveau dans le travail de David Dufresne, pour qui avait lu un peu de littérature sur la violence policière. Et pourtant, je pense que Dufresne a fait changé des gens d'avis.
> De manière plus générale, sur les différentes facettes du journalisme d'investigation, et ce qu'il peut avoir de problématique, l'un
> des derniers textes de Pierre Péan me paraît digne d'intérêt.C'est effectivement très intéressant, mais beaucoup des arguments de Péan ne me semblent pas s'appliquer en l'occurrence :
- on ne peut pas vraiment soupçonner Valentin Gendrot d'être resté chez lui à attendre qu'une fuite arrive (au contraire, il a eu un comportement proactif, qui correspond assez à ce que décrit Péan au départ : « C'est qu'il existe au fond deux manières d'enquêter. L'une, revendiquée notamment par l'auteur de ces lignes, pourrait se définir comme un banal journalisme lent : l'enquêteur choisit son sujet et lui consacre un temps, une énergie que la plupart des rédactions refuseraient d'investir. Il avance à l'aveugle, progresse par à-coups et prend le risque de se tromper. »).
- comme la source n'est pas judiciaire, il n'y a pas vraiment de viol de la présomption d'innocence, ni de secret de l'instruction ici.
- enfin, je ne veux pas être péremptoire sans l'avoir lu, mais il me semble que la portée du livre est bien le système policier dans son ensemble plutôt qu'un "quidam remplaçable".