Gonzo a écrit :Je pensais en parler plus haut, mais je n'ai pas eu l'occasion, alors je le fais maintenant. L'abolitionnisme prend en France souvent la forme d'une lutte contre l'extension du périmètre d'action de la police (ce qui n'est pas absurde : j'ai déjà cité des articles qui mentionnent que c'est un terrain de lutte pour l'abolition). Par exemple, la lutte contre la montée de l'anti-terrorisme en fait partie (la lutte contre l'état d'urgence, puis la lutte contre l'inscription de ses dispositions dans le droit commun, puis la lutte contre le prolongement de ces dispositions). Ainsi j'ai le souvenir net du magistrat Trevidic qui signalait que le renforcement du renseignement intérieur (DGSI) se faisait au détriment du pôle antiterroriste du TGI de Paris (où il était juge d'instruction alors).
C'est d'ailleurs une des premières fois que je voyais cette idée dans la sphère publique : que le renforcement des moyens contre le terrorisme s'accompagnait d'un glissement des compétences de la magistrature vers l'exécutif. On sait depuis que ces moyens n'ont pas été utilisés que contre la lutte anti-terroriste, comme je l'ai déjà signalé.
Pour ce qui est des droits sur internet (mon domaine d'« expertise » : je donne des conférences grand public à ce sujet), on constate la même chose : augmentation des moyens de répression de la police sans passer par le contrôle des juges (c'est typiquement le cas pour les censures administratives de sites qui passent en France par un blocage DNS des FAI, avec pour seul contrôle un agent de la CNIL). La loi anti-haine allait renforcer encore ce pouvoir discrétionnaire des flics, et il y a déjà eu des abus (la menace de censure d'indymedia par une préfecture). Je me paraphrase, mais si l'objectif était de lutter contre les propos haineux en ligne, il y avait d'autres manières de faire que de laisser un pouvoir de censure a posteriori aux flics. On peut signaler aussi que le ministère de l'intérieur
abuse de demandes de censure, et c'est là qu'on devrait comprendre que l'extension du périmètre du pouvoir des flics s'oppose en réalité à nos libertés fondamentales (liberté de réunion et liberté d'expression, en l'occurrence).
Du coup, que Warrior 007 ou Arnold ne soient pas d'accord avec moi sur la nécessité d'abolir définitivement la police, ce n'est pas forcément l'essentiel. Ce qu'ils doivent comprendre, en revanche, c'est que la situation actuelle est le résultat d'une dérive régulière depuis des années, et qu'il n'est pas inutile de s'élever contre les dérives à venir (il y en aura, tant qu'on ne s'y opposera pas assez). Je n'ai encore lu aucun argument en faveur du périmètre actuel, et en tout cas, il ne représente clairement pas une forme de "neutralité" dans l'évaluation de ce que la police devrait être.