Warrior 007 a écrit :> Le mouvement abolitionniste, je ne sais pas toi, mais perso, je l'ai découvert avec ce qu'il
> c'est passé aux USA. Avant j'en avais jamais entendu parler. Et je pense pas être le seul loin
> de là...Tu as tout à fait raison sur ce point. Ces mouvements émergent en France, et s'ils sont ancrés aux USA, déjà ce n'est pas bien vieux non plus, mais surtout cela se situe dans une culture communautaire qui est assez différente (parce que les populations vivent beaucoup plus facilement une organisation à l'échelle du quartier, et c'est à mon avis une conséquence indirecte des modèles urbains USA qui n'ont rien à voir avec les modèles français, malgré les tentatives de villes nouvelles - je vais renvoyer ici aux travaux de géographie de la chercheuse Émilie Richard, mais j'avoue n'avoir feuilleté que de loin son manuscrit). Autrement dit, pour les mouvements defund&abolish aux USA, l'idée de supprimer la police est moins choquante parce qu'ils/elles voient immédiatement par quoi elle serait remplacée (essentiellement par des systèmes de prévention, d'auto-gestion, etc.). Note que ça ne veut pas dire que ce serait impossible à faire ici, c'est juste que la route est plus longue, et c'est bien pour ça que je parle depuis le début de
comment abolir la police (et pas de la supprimer du jour au lendemain, après tout ça n'a pas super bien marché en Finlande).
> Hein ? Mais Pourquoi l'institution policière devrait être indépendante ? Tu fais une confusion dans ton post entre "indépendante" et "hiérarchique", alors que ce sont deux problèmes distincts. Le problème de la hiérarchie, c'est que les agents doivent obéir aux ordres, y compris quand les ordres sont illégaux, et qu'ils n'ont jamais la moindre incitation à questionner ces ordres, y compris quand ils les mettent en danger, mais surtout quand ils mettent en danger le public. Toute la doctrine du maintien de l'ordre appliquée par Lallement est considérée comme nuisible, comme une atteinte concrète à la liberté de manifester, et pourtant l'effet matériel est là : les manifestant.e.s ont été "maté.e.s", illégalement, par le PP (
voir ici). Le PP, lui, il va bien, merci pour lui.
Le problème de l'indépendance, c'est qu'une fois que tu as dit que la police doit maintenir l'état républicain, il y a plein de manières de le concrétiser, j'en ai donné des exemples. Les préfets pourraient être nommés par le conseil constitutionnel. Par la magistrature. Par des élections. Par l'assemblée nationale. Par le président directement. Quelle est la justification d'avoir spécifiquement une nomination par le pouvoir exécutif ? De plus quand on connait le périmètre d'action de la police, et en particulier son travail d'enquête, est-ce que tu vois comment le pouvoir exécutif peut instrumentaliser la police et en faire une police politique ? Tu veux un exemple parlant ?
Des flics refusent de perquisitionner chez Tibéri malgré un mandat valide. (Les flics ont été promus peu après). Et le truc, c'est qu'avec un système aux ordres, tous les actes policiers se retrouvent entâchés de suspicion, en particulier quand il est question d'interdire des rassemblements, d'assigner des militant.e.s à résidence, ou d'intervenir dans des enquêtes politiques.
> Enfin, après si tu penses vivre dans un État oppressif... Va vivre en Russie par exemple, et
> tu verras ce qu'est réellement un État oppressif.L'existence d'un état oppressif à l'est interdit donc de constater qu'on est dans un état oppressif à l'ouest ? C'est une vision manichéenne peu intéressante, mais surtout, est-ce que tu penses que ce genre d'idées est un moteur intéressant pour l'avancée des droits humains dans notre histoire ? Tu penses que les grèves de 36 se faisaient avec des gens qui criaient « On est déjà bien contents de ce qu'on a » et des panneaux avec écrit « En vrai c'est pire ailleurs » ?
Sur les différents points que j'avais mentionnés, je réponds au fur et à mesure :
> Ils sont censés faire appliquer la loi. Tu souhaiterais qu'ils reçoivent tous une solide formation
> de juriste ? (Honnêtement j'ai pas d'avis à ce sujet)Non, je ne veux pas que les flics reçoivent une formation de juriste. Je veux qu'on remplace les flics par des juristes dans les cas où on a besoin de juristes et pas de flics. Si tu avais lu l'interview de Ricordeau, tu aurais pu deviner ma réponse.
> Ha oui donc sous prétexte que dans le préambule de la constitution il y a la notion d'égalité. Répartissons donc de manière équitable les effectifs de police, les contrôles etc, sur tout
> le territoire ! Et osef des besoins sur le terrain ! Heureusement que ça marche pas comme ça.La répartition des effectifs de police n'a jamais été faite en fonction des besoins sur le terrain, mais bien en fonction d'une politique volontaire de discrimination de quartiers entiers. Ce mécanisme est décrit extensivement dans _La domination policière_ de Rigouste, je t'invite une nouvelle fois à te le procurer et à le lire.
> Je suis d'accord c'est un problème auquel il faut lutter. Mais ne généralisons pas (quand tu
> dit "laxisme global"). On est incapable de quantifier l'ampleur du problème... Je t'invite à faire un tour en manifestation, et à quantifier par toi-même. C'est un jeu rigolo, ça s'appelle "Où est le RIO", et c'est un travail de dénombrement qui est effectué régulièrement par les journalistes sur le terrain. Est-ce qu'il y a besoin de quantifier plus précisément que ça le problème ? On pourrait faire un truc simple : si un flic ne porte pas son RIO, il se fait virer. Si un flic ne porte pas son RIO et n'est pas identifié, son responsable hiérachique se fait sanctionner. L'IGPN pourrait récupérer des vidéos de n'importe qui, croiser les dates et les lieux, et retrouver le responsable de l'unité sur le terrain. À ton avis, pourquoi est-ce qu'un truc aussi simple et qui serait efficace, n'est pas fait ?
> Oui, la police reflète la société. Dans ses meilleurs, comme dans ses pires aspects. [...] Toi comme moi on est incapable de quantifier le problème.Ce n'est pas vrai, et je sais trouver des articles qui quantifient le problème. Va lire les enquêtes anthropologiques de terrain dans la police. Va regarder ce que ça fait à certains esprits déjà un poil atteints de porter une arme quotidiennement. Va regarder le pourcentage de vote à droite de la police. Va regarder le pourcentage de flics qui battent leur femme. Selon tous ces indicateurs, la police ne reflète absolument pas la société. Avant de donner des leçons sur la généralisation abusive, j'aimerais bien que tu ne généralises pas ton ignorance à tes interlocuteurs : j'ai déjà assez répété que je ne suis pas informé d'avant-hier sur ces sujets, et il est possible que j'ai des éléments que tu ne connais pas.
Arnold Schwartzenprout a écrit :Par exemple, Mucchielli et Ricordeau pourraient penser qu'il vaut mieux, par ordre décroissant de préférence, avoir :
A/ pas de police
B/ une police avec une police de proximité.
C/ une police sans police de proximité.
À ce titre, Mucchielli peut commenter sur le fait que le passage de B à C est une mauvaise idée. Il pourrait même militer pour que l'on repasse de C à B (parce que ça lui semble plus facile matériellement à atteindre que A, par exemple). Bref : ce n'est pas contradictoire du tout avec le fait que A soit souhaitable.
Et sur la forme, je ne vais pas avoir le temps de tout t'expliquer ainsi comme si tu avais 5 ans, donc je te prie avec insistance de faire des efforts pour comprendre, ou d'éviter de faire croire que ton avis a de la valeur. Je suis sûr que tu auras déjà des tas de choses à apprendre juste en lisant les interventions d'autres personnes.