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posté 27/06/17 (21:51)Flaccidie a écrit :
D'ailleurs, les études de son idée reprennent bien sa vision à lui, créateur, il n'y a qu'à voir le titre sans équivoque de l'ouvrage de Stiglitz "Using tax policy to curb speculative short-term trading".
"Créateur", c'est un bien grand mot pour une idée qui traîne depuis le début du XXème siècle. Mais la volonté d'utiliser la taxe essentiellement comme moyen de redistribution financier est depuis longtemps l'essentiel intérêt que J. Stiglitz voit à la taxe Tobin :Interview du Prix Nobel Joseph Stiglitz par la téllévision allemande (ARD, Monitor), diffusée le 13 mai 2002.
Interview par Sonia Mikich
Sonia Mikich (SM): Chaque jour 1.5 millier de milliard de US-Dollars - c'est le chiffre que j'ai lu quelque part sur le web - sont échangés sur les marchés spéculatifs de par le monde. Il existe aujourd'hui des appels à la taxation de ces flux. Quelle est votre position ?
Joseph Stiglitz (JS): Il y a deux motivations pour introduire une taxe Tobin - qui est le nom d'une taxe sur ce type de mouvements de capitaux : l'une est que nous avons besoin d'une source d'argent pour financer les biens publics globaux. En effet, comme le monde devient de plus en plus intégré sous l'effet de la mondialisation, nous avons de plus en plus de besoins globaux et nous avons des besoins en terme de financement pour lutter contre le SIDA et contre les autres grandes maladies, pour mener la guerre contre le terrorisme, pour créer un meilleur environnement... etc.
SM: ...et pour s'occuper de la pauvreté...
JS: ...pour s'occuper de la pauvreté dans les pays en développement. La question du développement nécessiterait à elle seule 50 milliards de plus pour que l'on atteigne les objectifs minimums du Millenium. Donc nous avons besoin de revenus supplémentaires pour financer ces besoins globaux. Chacun voit bien que cela profitera à tous, je pense. Et nous n'avons pas ces revenus actuellement. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où les USA peuvent prendre en otage le reste du monde. Les Etats-Unis ont décidé qu'ils n'aimaient rien de ce que les Nations Unies aiment, alors ils ne payent plus leur écot. C'est une façon intolérable de gérer un problème dans un environnement international.
La Taxe Tobin est une façon de lever des revenus supplémentaires. Je pense que la Taxe Tobin a une valeur symbolique très forte ! Ce qu'elle souligne, c'est que durant ces dernières années les marchés financiers ont dirigé le monde. Les marchés financiers ont généré de grandes instabilités. Le mouvement libre du capital n'a pas seulement apporté une instabilité à un coût énorme pour les gens des pays concernés, y compris les très pauvres, il a de fait changé le pouvoir de négociation à l'intérieur du pays - en effet si vous avez un mouvement libre du capital et que vous essayez de taxer le capital, ce dernier vous dit « nous partons ». C'est symbolique, mais c'est quand même plus que symbolique : cela affecte l'avenir en fait.
Ce qui est important c'est que dans la proposition même de la taxe Tobin, l'argent généré doit servir à financer des biens et des services publics. C'est donc plus que symbolique. C'est une reconnaissance que dans cet environnement instable nous avons besoin d'une action collective à un niveau global. Et si nous voulons une action collective au niveau global, alors nous avons besoin de revenus.
Nous avons besoin de ressources pour le développement, pour aider les pauvres, pour attaquer la pauvreté, pour corriger les problèmes mondiaux de la santé, pour corriger les problèmes environnementaux. Nous ne les avons pas encore aujourd'hui, ces ressources, et c'est pourquoi la taxe Tobin réalise deux objectifs en même temps: d'une part elle fournit les moyens de s'attaquer à ces très importantes questions à un niveau mondial, d'autre part elle apporte une réponse au déséquilibre associé aux mouvements libres de capitaux qui ont créé tant de dégâts de part le monde.
C'est pour ça que ton message premier ("un exemple comme quoi les bons sentiments font rarement de bonnes taxes. La CdC rend un rapport critique sur la Taxe Tobin, ce vieux serpent de mer franco-français. Contre laquelle la sciences économique, dans son consensus, avait déjà la dent dure.") est bizarre. Il va de soit que ce qui est reproché par la CdC à la TTF n'est pas son impact sur la volatilité. Ce qui lui est reproché, c'est d'accomplir insuffisamment l'objectif assigné dans la vision que tu appelles "altermondialiste", c'est-à-dire de générer des recettes fiscales conséquentes à partir de l'ensemble des transactions financières réalisées en France, peu importe le lieu de résidence fiscale des institutions financières / investisseurs.
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Basile, le Raton en Iska
Procyonarche cuménique de l'Eglise de Krakov